Sa société matriarcale, son influence sur votre bourse, son rapport à l’adultère et sa relation tendue avec les oiseaux qui savent compter.
Avec le printemps, tout recommence. Les perce-neiges sortent le bout de leur nez. Les jonquilles s’épanouissent aux premiers rayons du soleil. Les grues cendrées nous émerveillent de leur passage dans le ciel et tout l’orchestre des oiseaux commence son récital en vue de la saison de reproduction qui s’annonce.
En cela, le chant du coucou gris est un ravissement. L’entendre est pour beaucoup un instant qui relève de la magie. Par le passé, on considérait comme porte-bonheur l’objet que l’on trouvait sous ses pieds au moment où se produisait son chant. Si l’on avait un sous en poche, cela prédisait une belle année bien prospère. Pour d’autres, il s’agit tout bonnement de l’annonce du printemps.
En même temps, l’avez-vous déjà vu le fameux coucou ? Bien que connu à plus d’un égard, surtout pour son absence totale de gêne quant à ses mœurs, il s’agit pour beaucoup d’un oiseau mystère que personne n’a jamais aperçu. Chose fort contradictoire lorsque nous savons que son chant est passé dans le vocabulaire populaire depuis longtemps et que nous pouvons passer une vie entière à ne même pas savoir à quoi il ressemble...
Vous apprendrez d’ailleurs dans cet article la relation existante entre le comportement de la femelle et l’étymologie du mot cocu, qui viendrait du fait que l’on aimait railler les maris trompés par leur femme - qui allaient dormir dans le lit d’un autre - en leur lançant de subtiles : «Coucou». Méfiance donc si votre conjoint vous dit : « Je te fais coucou en passant... ».
Espèce migratrice au long cours, le coucou gris, de retour d’Afrique subsaharienne, revient chez nous vers la fin du mois de mars pour les plus précoces.
Il ne construit pas de nid et ne couve pas non plus.
Le comportement du jeune coucou n’en fait désormais plus partie…
Pour cause, son truc à lui, c’est de pondre un œuf dans le nid des autres oiseaux, toujours des passereaux plus menus que lui telle que la rousserolle effarvatte ou la bergeronnette grise, leur déléguant ainsi les soins parentaux. Ce comportement - qui n’est d’ailleurs pas propre à tous les coucous du monde - est appelé : parasitisme interspécifique. L’important est donc de cultiver la discrétion. D’où le mystère sur cet oiseau pourtant magnifique ressemblant grossièrement à un épervier.
D’apparence trompeuse, cette vie est loin d’être une sinécure. Ayant répondu au chant attractif du mâle, la femelle, une fois fécondée, va devoir filouter pour donner une fin heureuse à la suite de l’histoire, du moins pour son espèce. C’est qu’il s’agit maintenant de tenter de blouser les hôtes, histoire d’aller pondre dans leur nid pendant leur absence et faire l’amalgame de l’œuf étranger avec les légitimes, pour qu’à leur retour, les parents de substitution n’y voient que du feu. S’ils constatent le moindre changement, ils abandonneront la couvée sur le champ. Ce serait alors un fiasco pour tout le monde.
C’est qu’il ne faudrait pas prendre ces volatiles floués pour des idiots. Ils savent compter : « J’en avais pondu 5... pas 6 » dira la maman Pipit. La première chose que fera alors la femelle coucou en arrivant dans le nid, c’est d’avaler un œuf existant (autant que cela serve de nourriture), le remplacer en pondant le sien et déguerpir au plus vite avant de se faire repérer.
Mais pas trop loin, histoire de s’assurer que les gérants du nid vont gober la supercherie.
Encore faut-il que l’œuf en question ait la même couleur et la même forme pour que cela marche ? Les gênes contenant le “plan de conception” de l’œuf frauduleux se transmettant de mère en fille, une lignée de femelles coucou retournera toujours pondre dans le nid de l’espèce qui l’aura élevée.
Revenons à notre histoire.
Si à leur retour, les parents adoptifs trouvent que le compte est bon, bien que cet œuf légèrement plus gros attire une certaine méfiance dans les premiers temps, on pourra considérer que l’affaire est dans le sac ou devrait-on dire dans le nid. Les parents arnaqués continuerons de couver comme si de rien n’était. Puis quelques jours plus tard, un jeune coucou, aveugle à la base, naîtra avant les autres et mettra en route un drôle de stratagème, se mettant à pousser avec son dos tout ce qui se trouve derrière lui. Dans le cas présent, ce seront les œufs restants ou les autres poussins fraîchement éclos qui en feront les frais, poussant ainsi par-dessus bord le reste de la nichée, parfois sous les yeux des adultes impuissants face à cette scène d’horreur.
Mais soyons clair ! La Nature ne faisant rien au hasard, ce comportement d’assassin n’est pas lié à un instinct destructeur quelconque. Il est lié au fait que le jeune coucou possède sur sa peau nue et sensible des capteurs qui ne tolèrent aucun contact.
Le jeune restera alors le seul survivant au nid, profitant ainsi exclusivement de l’attention de ses deux parents adoptifs, condition sine qua non au bon développement de l’oisillon au gabarit imposant que suscite sa taille adulte. Comble de l’adaptation, le jeune coucou pourra à cet effet imiter à la perfection le cri de toute une nichée d’oisillons pour contraindre les parents à redoubler d’effort pour aller chercher de la nourriture, pensant devoir nourrir une famille nombreuse. C’est ce qui donne lieu à de superbes scènes montrant après quelques jours de croissance un jeune coucou débordant de toute part de son nid devenu trop étroit.
La femelle coucou sera restée dans les parages tout au long du processus pour s’assurer que ces délégués ont bien fait leur boulot. Quelle conscience professionnelle !
Dès juin-juillet, ayant accompli leur mission de reproduction et avant l’épanouissement complet des jeunes, les coucous adultes nous quitteront déjà. Deux mois plus tard, les juvéniles de l’année entreprendront seuls et pour la première fois ce long voyage vers leurs quartiers d’hiver par la seule force de leur instinct.
Et comment diable trouvent-ils leur chemin ? Ça, c’est une autre histoire qui ne peut que nous empreindre d’humilité face à la toute-puissance de la Vie qui trouve toujours son chemin.
N.B. : Sur une saison de reproduction, certaines tentatives n’aboutissant pas forcément, une femelle coucou peut pondre jusqu’à 25 œufs à raison de 1 par nid différent.
Vous noterez que la case “instinct” sert souvent de débarras à “tout ce que l’on ne sait pas expliquer scientifiquement”.
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